La mémoire dilue les souvenirs, les bons sont ravivés tandis que les mauvais sont estompés.
Cela engendre une collision de sentiments où la culpabilité lutte de paire avec l’égoïsme contre la nostalgie et l’impression de bien-être tandis que le doute s’en prend aux certitudes.
Certains souvenirs nous réconfortent, nous accompagnent dans le présent comme un repère, une lumière dans l’inconnu qui jalonne notre chemin. D’autres, impitoyables, nous jettent à la figure des questions existentielles sur le pourquoi de telle attitude qui aurait provoqué telles conséquences, culpabilisant par la même celui qui se trouve assailli par ses pensées négatives.
Aujourd’hui le regard sur ces souvenirs se porte avec le recul de ce temps passé, avec une vision globale sur chacun des morceaux du puzzle qui se construisait alors mais dont le motif nous était inconnu. Comment croire que l’on ferait aujourd’hui comme l’on a fait avant, alors qu’aujourd’hui, précisément, l’on n’est quelqu’un d’autre, avec des priorités différentes, une vision changée dans un monde en mouvement et sachant après ce temps, comment nous pouvons agir et comment peut réagir notre entourage.
A l’évidence, rien ne sera comme avant, or le présent n’est pas l’avant mais le terreau du futur, il est donc nécessaire de remettre en cause ses convictions, de douter, il faut accompagner ces évolutions dans le changement naturelle qui les anime et ne pas les contrarier, il faut laisser faire l’œuvre du temps qui, jour après jour, façonne à son gré, notre vision des choses et du monde, s’appuyant sur notre vécu, notre parcours et nous donnant une force nouvelle qu’il conviendra d’utiliser pour avancer, pour changer, pour être.
Il est vain de tenter d’oublier, de juger, de condamner ou d’accepter ces souvenirs car il s’agit systématiquement de jugements de valeur, que les valeurs ont changé et que plus rien ne peut être comme avant. Nul regret, nulle peine, nulle culpabilité ne peut modifier le passé, cela ne peut que miner le présent au détriment du futur. Les seuls souvenirs qui vaillent sont les moments heureux, car le bonheur n’est pas affaire de jugement, mais de sentiments, de partages. Ils sont le passé, le présent et le futur, et sur ces sentiments se construit l’avenir, non pas à leurs places mais dans leurs prolongements.
Il faut vivre, accompagné par ces sentiments, ses souvenirs, comme un enrichissement, une source de valeurs nouvelles et profitables, pour un nouveau parcours, de nouveaux choix , une volonté nouvelle et affirmée.
Il faut profiter de l’instant présent, non pas comme un refus du passé, une volonté d’oublier, car le passé ne s’oublie pas, mais comme une volonté de réagir, de poursuivre un chemin tracé qui, bien que sinueux, nous emmène vers l’ailleurs, dans de nouveaux pas que l’on trace.
©2010 – Michel Schauving