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La nouveauté

Quand nous pouvons ressentir les émotions qui nous habitent, quand nous pouvons les relier à nos blessures d’enfance, nos manques, nos croyances, nos attentes, alors nous pouvons établir une distanciation, une séparation entre ces différentes facettes.

Nous pouvons vivre les émotions telles qu’elles se manifestent dans l’instant présent sans les raccorder à notre histoire, à notre passé anxiogène, à notre futur idéalisé, juste être ici, maintenant. La nouveauté est la capacité à se surprendre par ses propres émotions, les voir venir, les ressentir comme s’il s’agissait de la première fois. Elles sont libres de toute pression de nos croyances, elles ne pèsent que le poids de l’instant présent, de cette bulle qui remonte à la surface de la conscience et qui nous donne la satisfaction du ressenti.

Dépouiller de nos croyances, de notre quête d’idéal, de nos comparaisons, de nos jugements, les sensations que nous ressentons deviennent véritables, en adéquation avec ce que nous vivons et non plus avec ce que nous aurions voulu vivre.

Quand nous avons retiré nos œillères, nous pouvons voir tout ce qui se présente à nous et non plus le spectre réduit de nos illusions, nous pouvons développer l’intuition de ce qui nous correspond, de ce qui nous convient sans chercher à combler les manques de notre histoire.

Chercher le Graal n’est plus le moteur de notre quête, nous n’avons plus besoin de demander l’impossible mais juste de profiter du possible pour s’apercevoir que là, réside ce dont nous avions véritablement besoin.

Le futur se construit maintenant dans l’accueil de ce qui est, sans résignation mais avec un observateur conscient de la réalité des choses.

©2010 – Michel Schauving

Influence des blessures d’enfance dans nos relations

Dans les rencontres que nous faisons, nous observons, percevons, admirons, jugeons, critiquons, jalousons, envions mais quand nous regardons de plus près toutes ces pensées qui nous traversent, de qui parlent-elles ?

Nous pouvons commencer à ressentir à quel point nos croyances, sur ce qui doit être, influencent notre perception de l’autre. Nous pouvons apercevoir les projections et les transferts que nous faisons, toutes ces interprétations de nos désirs, de nos craintes que nous matérialisons sur l’autre. Il devient le personnage d’un film dont il n’a pas encore conscience et ceci, bien avant les premiers échanges verbaux. L’autre n’est pas, il devient ce que nous imaginons, voulons. Il est ce que nous projetons de notre histoire.

Les blessures contacts que nous avons intégrées enfant, comme le rejet, l’abandon, la trahison, l’humiliation ou l’injustice, nous espérons inconsciemment que l’autre puisse les compenser. Il ne peut les guérir car n’en ayant pas conscience, nous ne pouvons pas imaginer qu’une guérison soit possible. Ce qui se joue là, c’est un comportement qui est dépendant de ces blessures, nous ne sommes pas nous-mêmes mais uniquement le résultat de l’image qui s’est adaptée à ces blessures. Pour conserver l’amour parental, nous avons dû intégrer ces blessures comme un fonctionnement naturel. Dans nos relations, se rejouent cette même dépendance ou adaptation au schéma parental et aux blessures associées. Quand une relation commence, un équilibre et un mode de fonctionnement adapté va commencer à s’établir selon ces différentes blessures.

Pour la blessure de rejet, il peut y avoir beaucoup d’hésitation à aller vers l’autre de peur de ne pas correspondre à ses attentes, ne pas être à la hauteur, déplaire. Une exigence inhibante s’installe. Il va falloir paraître idéal aux yeux de l’autre pour être accepté, faire des concessions et refouler ses propres désirs au profit de ce non-rejet. Etre en retrait, prudent et ne pas tout dire, ne pas froisser.

Pour la blessure d’abandon, il va falloir être adopté et fusionné pour tisser un lien fort, indestructible et sécurisant. Ne pas être abandonné c’est avoir un rôle suffisamment important pour garder sa place. C’est se rendre indispensable à l’autre pour rester, ne pas être exclu. Une atmosphère lourde peut s’installer si l’un se sent totalement dépendant et que l’autre se sent exploité dans ce rôle protecteur qu’il a lui-même choisi.

Pour la blessure de trahison, le comportement sera plus possessif car la confiance est difficile à donner. Elle semble vitale car une relation ne peut s’établir que sur cette confiance, cette fidélité. Ce climat de suspicion rend la relation compliquée et source de malentendus. Il est alors difficile d’être naturel car cette blessure implique des non-dits, des mensonges par omission pour ne pas impacter l’autre, ne pas être impacté.

Pour la blessure d’humiliation, la crainte que cela recommence va rendre très prudent, va amoindrir les sensations pour ne pas s’exposer, se montrer, se livrer. Tout sera dans la mesure, ne pas faire de vague, ne pas être vu, ne pas être jugé. L’opinion de l’autre a tellement d’importance que cela va induire un comportement très effacé pour ne pas donner de prise aux critiques.

Pour la blessure d’injustice, il sera nécessaire de recevoir des signes de satisfaction pour engranger ce sentiment de reconnaissance, de valeur qui a tant fait défaut dans l’enfance. Il va donc s’agir de faire plaisir, d’être dévoué et de montrer une image valorisée selon les critères de l’autre. Il va falloir être à la hauteur des espérances de l’autre avec la peur de ne pas le satisfaire.

De la relation à l’interconnexion

Etre en relation, établir un lien sans être en lien avec soi-même, c’est fixer son histoire sur la voile de nos désirs et de nos besoins.

C’est donner procuration à l’autre pour obtenir ce qui nous manque en lui présentant ce sur quoi il peut s’agir et nous faire avancer. La relation s’appuie sur des attentes mais au fil des mois, les attentes évoluent et le lien s’effiloche sur temps calme.

“Je me berce d’illusions !…”

Si les effets de nos attentes sont ressentis, leurs existences sont souvent ignorées bien qu’il nous arrive d’en prendre conscience quand nous disons que nous nous bercions d’illusions.
« Je me berce d’illusions », une simple expression qui en peu de mots, nous dit beaucoup. Un condensé où chacun des mots a son importance.

Le « Je » qui me place comme acteur, qui parle de ma responsabilité à aller chercher, à attendre, à demander. Il s’agit de ce dont nous avons besoin, ce dont nous avons envie, ce qui nous manque et comment nous pouvons l’idéaliser, comment l’autre doit nous l’apporter. Il ne connait pas nos attentes, nos désirs car nous-mêmes, nous les ignorons mais l’autre doit tout de même relever le défi d’y répondre.
Le « me » qui parle de moi, de mes croyances, de mes principes, de mes idéaux, de tout ce qui constituent l’image que je porte, que je veux montrer, que je veux démontrer. Agir en fonction de qui nous sommes, de ce qui peut accrocher l’autre, les prises enfouies de notre histoire que nous lui tendons. Il devient la projection de nos inaccomplis, le transfert de nos désirs, le miroir de nos attentes, la réflexion de nos pensées.

Le « berce » qui évoque la régression dans la prime enfance, dans l’abandon maternel, dans la dépendance à l’autre, dans la fusion protectrice de ces bras enveloppants. C’est se rassurer par la présence de l’autre, lui demander de calmer nos peurs, nos doutes, nos angoisses. Etre compris, accepté, rassuré et ne pas être abandonné, rejeté, humilié. Il s’agit de compensations, d’obtenir de l’autre ce que nous pensons impossible à obtenir par nous-mêmes.

Le « d » qui définit l’indéfini, le pluriel amputé. L’étendu des demandes masque le besoin véritable par une kyrielle de manifestations détournées de nos désirs. Une multiplicité de contacts pour que l’absence de l’un d’eux ne soit pas signe d’abandon. Une démultiplication pour ratisser large, pour obtenir plus, pour obtenir quelque chose, ce petit rien qui signifie que nous ne sommes pas seuls.

Le « ‘ » qui symbolise cette relation, la transition de nous à l’autre, apostropher l’autre. Ce lien suspendu entre nos attentes et celles de l’autre pour sonder sa capacité à y répondre et notre volonté d’y contribuer. Une virgule qui flotte, une ponctuation qui s’envole dans les nuages de nos pensées, une menace d’abandon, un lien fragile qu’il nous appartient d’entretenir tant que cette enveloppe est notre représentation de qui nous sommes.

Les « illusions » qui révèlent ce que nous savions au fond de nous, sans vouloir nous l’avouer. Oui, nous demandons à l’autre ce qu’il ne peut nous donner, ce que personne ne peut nous donner, personne d’autre que nous-mêmes. Ces illusions, ces chimères venues d’un autre temps, d’un passé lointain qui draine ses vestiges jusqu’ici, dans un flot de demandes. Expression de nos manques d’hier qui transpirent dans chacun de nos gestes, de nos mots, de nos pensées. Expressions qui sont le souffle qui gonfle l’enveloppe de nos désirs, de nos besoins derrière laquelle nous nous protégeons.

« Se bercer d’illusions » nous permet de prendre conscience que l’autre n’est que le substitut de notre capacité à prendre nous-mêmes la responsabilité de notre bonheur. Nous apercevons que nous flottons sur les vagues de la vie, propulsés par le souffle des autres dans les voiles de nos désirs et de nos besoins, mais personne ne tient vraiment la barre.

Ramener la voile de nos désirs et de nos besoins pour voir qu’ils n’étaient que la manifestation imprimée de nos manques et de nos blessures. Quand nous demandons à l’autre de nous reconnaître, de nous accepter, de nous protéger, de nous respecter ou de nous entendre, nous exprimons des sensations enfouies de n’avoir pas été reconnu, d’avoir été rejeté, d’avoir été abandonné, d’avoir été humilié ou d’avoir été trahi. Blessures qui peuvent nous paraître disproportionnées dans les termes mais qui sont à l’échelle des ressentis émotionnels de l’enfant d’hier et des peurs qui étaient les siennes, peurs qu’il a dû intégrer pour s’adapter et devenir.

Nos blessures d’enfance

Quand nous percevons comment notre relation aux autres est teintée du souvenir de ces blessures d’enfance, alors nous pouvons sentir que la relation ne pourra masquer qu’un temps la vraie demande qui émane du fond de nous, du fond de nos émotions. Une demande qui rend discordante la relation car elle est calée sur autre chose, teintée des attentes réciproques et tout aussi décalées.
Si nous-mêmes ne sommes pas en mesure de transcender les blessures qui nous impactent, comment pourrions-nous reprocher à l’autre de ne pas pouvoir le faire pour nous. L’acceptation de soi, c’est accepter ces blessures comme celles de notre passé, elles s’appuient sur notre référentiel émotionnel d’hier et non plus sur la personne que nous sommes devenus.

Ces blessures peuvent être actives mais quels seraient leur impacts si nous ne leur accordions pas autant de place, si ces blessures ne conditionnaient plus notre relation aux autres, si nous n’avions plus besoin de demander à l’autre de les prendre en charge. Nous avons le choix et le droit de prendre la barre, de naviguer en fonction de nos aspirations et ne plus se laisser emporter par les croyances induites de nos besoins d’hier. Il nous appartient de moduler l’intensité de ces blessures à notre échelle émotionnelle d’aujourd’hui pour s’apercevoir que les enjeux ne sont plus les mêmes.
Sans avoir besoin de changer notre vie, nous la dépouillons des prises sur lesquelles s’accrochaient nos souffrances. Nous lâchons prises et profitons de chaque instant pour lui et non plus pour combler hier ou protéger demain. Nous sommes dans l’instant présent, pleinement réceptifs à nos émotions dans l’intensité de l’échange qui se produit.

Les relations amicales, de couple, possessives, agressives, passives, dépendantes, découlent souvent de ce lien entre désirs et besoins directement issus de nos manques respectifs, des compensations d’émotions non abouties et qui cherchent à se satisfaire par transposition inconsciente. Quand nous pouvons ressentir comment nous serions, quelles émotions surviendraient si cette relation s’arrêtait dans l’immédiat, nous pouvons alors sentir le besoin qui l’alimentait. Nous pouvons ressentir comment nous sommes dépendants de cette relation autrement que pour le seul plaisir d’être ensemble. Il ne s’agit pas d’y renoncer mais au contraire de ressentir nos relations pour elles-mêmes.
Quand nous sommes pleinement centrés sur le présent, nous entrons en interconnexion avec nos émotions, avec l’autre et avec les émotions de l’autre. L’interconnexion se situe à plusieurs niveaux pour atteindre un échange émotionnel intense car complètement en phase avec l’instant présent. Aucun artifice n’est nécessaire pour le sublimer, juste cette interconnexion entre deux êtres complètement disponibles et présents en eux et avec l’autre.

A la différence de l’état amoureux qui procure des sensations similaires sur une durée limitée, l’état inter-connecté est pleinement conscient et vécu, il répond au besoin relationnel véritable.
Etre inter-connecté c’est donner priorité aux émotions principales et laisser passer les émotions réactionnelles sans s’y accrocher.
Il me parait intéressant de s’interroger sur les sensations qui seraient les nôtres si ces blessures n’étaient plus de la responsabilité de l’autre mais de nous-mêmes.

En quoi le besoin de reconnaissance est-il si fondamental ?

Pourquoi ce besoin de reconnaissance est-il si répandu et comment agissons-nous sous son influence ?

Rien que le mot fondamental parle de soi. Le besoin de reconnaissance constitue la base de notre raison d’être, la fondation, le fond qui matérialise que nous existons. Si nous ne sommes pas reconnus, comment pouvons-nous exister. La question se pose alors de ce qu’est la reconnaissance.

En effet, être reconnu pour ce que l’on fait, ce que l’on dit, ce que l’on apporte, est-ce être reconnu pour ce que l’on est ?

Si oui, cela voudrait dire que nous existons par nos actes et non par nous-mêmes mais nos actes sont-ils le reflet de notre personnalité ou de ce que les autres attendent de nous, pour eux.
Quand nous sommes centrés, quand nous agissons selon notre personnalité vraie, la reconnaissance est une conséquence satisfaisante mais non nécessaire de nos actes. Nous pouvons agir sans pression mais dans l’espérance d’obtenir le plaisir de l’accomplissement. Chaque action devient une expérience profitable et quand ce que nous faisons, en conscience et en accord avec nous-mêmes, est bien reçu alors oui, les retours que nous obtenons font du bien, beaucoup de bien et renforcent qui nous sommes. Elle agit sur l’estime de nous sans pour autant flatter l’égo car cela ne concerne pas notre image mais nous-même.

Quand nous présentons ce que l’autre attend, la reconnaissance devient la cause de nos actes, un enjeu dans la mesure où son absence nous impacte. Elle induit donc une pression du résultat et un risque d’échec. Quand nous recevons les signes de reconnaissance demandés, alors nous engrangeons un plaisir, ce plaisir que nous attendions dans l’instant mais qui ne répond pas à la blessure d’hier. Ce plaisir se teinte de la frustration que ce n’est pas assez, la blessure que nous ignorons est toujours présente, active alors oui, ça fait très plaisir mais il faut encore demander car l’écho de reconnaissance n’est pas la reconnaissance que nous recherchons. Cette reconnaissance-là ne dépend pas de la situation présente, de la personne actuelle, il ne pourra y répondre. Nous ne pouvons la trouver qu’en nous-mêmes, nous sommes les seuls à pouvoir agir. Cela se passe quand l’acceptation de qui nous sommes aujourd’hui transcende la croyance de qui nous pensions devoir être hier.

En quoi le besoin d’être accepté influence-t-il notre comportement ?

Ne pas être accepté sous-entend que tel que nous sommes, il manque quelque chose pour que nous soyons acceptables aux yeux, aux idées, aux pensées de l’autre.

Cela veut dire que pour être accepté, il faut se conformer aux croyances de l’autre sur qui nous devrions être ou plus exactement se conformer à nos propres croyances sur les croyances que l’autre a de qui nous devrions être. Mais qui est cet autre que nous interrogeons de nos pensées secrètes pour savoir si nous sommes compatibles avec ses désirs tout aussi secrets.

Que de non-dits pour être accepté, pour que notre image soit compatible et bien souvent, sans demander ce que l’autre attend vraiment de nous, sans lui dire ce que nous attendons de lui.
Pouvons-nous vraiment demander explicitement cela, le dire en toute sincérité sans être centré sur nos vraies attentes, sans les avoir triées de nos croyances, de nos principes, de nos valeurs.
Entrer en relation avec soi-même pour faire le tri de nos idées est un cheminement difficile car nous ne pouvons trier qu’avec notre mental, avec notre réflexion et que celle-ci se nourrit de nos croyances, de nos valeurs, de nos principes. Etre juge et partie ne prédispose pas à l’objectivité de ce que nous sommes vraiment et de ce que croyons être. Le cheminement est d’autant plus difficile que le jugement est l’apanage du mental et que qualifier difficile ce cheminement est l’évitement qu’il a trouvé pour ne pas l’aborder.
Où se trouve la difficulté d’être en relation avec soi-même si ce n’est d’aller chercher notre propre acceptation de qui nous sommes. Cela indique que nous cherchons à nous accepter, que nous voulons nous autoriser cela sans avoir à le demander à l’autre. Mais alors, si nous n’avons pas besoin de l’autre pour être accepté, nous n’avons pas besoin de l’autre, nous sommes seuls ! Ce sentiment de solitude peut être effrayant quand il fait résonance à l’inquiétude de l’enfant de ne pas être aimé et se sentir rejeté s’il n’était pas conforme à la demande ressentie.

La relation à l’autre est une nécessité mais ce n’est pas vital, ce n’est plus aussi vital que pour l’enfant d’hier. Etre en relation avec soi-même, trouver l’énergie de sa propre acceptation nous libère de cette demande d’acceptation à l’autre. Cela fluidifie nos relations qui se construisent alors sur des échanges naturels et non induits. Etre bien avec l’autre pour le seul plaisir d’être bien est une satisfaction issue de l’acceptation réciproque des spécificités de chacun.

En quoi le besoin d’être protégé est un besoin vital ?

Se sentir protégé, c’est la reconnaissance des capacités de l’autre à affronter les dangers pour nous, à nous donner les moyens de vivre, de survivre.
En quoi l’adulte d’aujourd’hui peut-il se sentir aussi menacé dans son intégrité, dans sa survie qu’il doive vivre avec ce besoin d’être protégé. Bien sûr que c’est rare, nous sommes assez grands pour ne pas avoir besoin de l’autre pour cela, nous sommes de plus en plus indépendants et responsables !…
Oui bien sûr, mais quelle blessure se dissimule derrière ce besoin d’être protégé si ce n’est la peur de l’abandon. La relation que nous construisons dans un couple est-elle influencée par cette peur, en regardant de plus près, nous pouvons le supposer.

Cette peur de l’abandon se traduit par des comportements de soumission inconscients, de prises de décisions difficiles, par des paroles, des actes retenus pour ne pas déplaire. Se conformer à l’autre pour ne pas risquer la séparation mais en même temps ruminer sa frustration de ne pas pouvoir être naturel, ne pas s’affirmer. L’envie de plaire, de séduire, de convaincre, de communiquer, d’être en lien pour être reconnu, accepté, ne pas provoquer de conflit et obtenir sa place dans l’univers de l’autre, se sentir accueilli, se sentir protégé.
Ce comportement implique un jeu inconscient pour être compatible. Quand ce jeu est réciproque, la relation est faussée à la base tant qu’elle reste sur ce niveau d’échanges. Quand elle n’est pas réciproque, nous assistons alors à des jeux de pouvoirs, de soumission, domination qui peuvent être une base acceptée de la relation. Cela s’appuie fortement sur ces blessures et peut fonctionner tant que l’activation de ces blessures apporte un bénéfice réciproque.

Quand ce besoin est fortement ancré, l’éparpillement relationnel est un moyen de diversifier ce besoin d’être en lien de toute part pour ne pas risquer de se retrouver seul face à sa peur et ce, d’autant plus que la relation de couple ne remplit pas son rôle d’accueil réciproque. Se sur-investir pour ne pas se retrouver face à l’autre, face à soi.

Le paradoxe de cette peur de l’abandon est que bien que disposant de toutes les ressources pour se protéger soi-même, nombre de personnes s’en remettent à l’autre, au groupe. Il s’agit alors de se centrer sur soi pour reconnaître ses propres ressources, pour obtenir la confiance en soi et ne plus dépendre de l’autre comme nous en dépendions jadis. L’adulte d’aujourd’hui a le droit d’accepter ses propres talents et de les utiliser pour lui-même. Cette peur de l’abandon se nourrit du manque de confiance en soi et des peurs qui régnaient et transpirent encore aujourd’hui sans que nous le ressentions complètement.
Gagner sa propre confiance et obtenir sa propre acceptation pour ne plus la demander à l’autre et pouvoir profiter des plaisirs de la relation, ressentir la force des amitiés telles qu’elles sont, sans la crainte de les perdre. Elles ne seront que plus intenses.

Le besoin d’être respecté, un besoin qui vient d’où ?

Etre respecté semble une évidence et mais ce qui se révèle dans cette expression est un positionnement en victime qui puise d’éventuelles causes dans des situations concrètes. Les trois blessures précédentes, bien que pouvant être issues également de situations précises ont plus de facilités à être générées lors de l’installation et l’activation de nos croyances, comme un sentiment issu des non-dits, des non-reçus, des manques qui s’appuient sur des impressions diffuses.

Etre respecté reflète plus naturellement la réaction à une humiliation subie ou ressentie et sur laquelle ou lesquelles nous pouvons mettre des images précises, des mots évocateurs.
Le paradoxe de l’enfant est d’associer les émotions de l’humiliation et celles des attentes qui étaient les siennes de respect et d’amour. Imaginer être indigne d’être aimé est si difficile à supporter que supporter l’humiliation lui parait plus adapté. Il va donc se convaincre d’être responsable de ses humiliations et que c’est par amour, pour qu’il s’améliore que ces humiliations lui sont infligées.

La croyance qu’il ne mérite l’amour qu’en étant humilié peut alors s’installer. Que faire de cette croyance, soit l’accepter et se comporter en victime en la reproduisant, soit lutter contre et affronter le monde, affronter l’autre dans des rapports de force, des relations conflictuelles. Dans les deux cas, ce positionnement de la relation se fait autour de ce besoin d’être respecté mais plus encore autour de l’humiliation, générant des émotions fortes mais peuvent-elles être satisfaisantes ?

Une exigence s’installe qui impose le respect, les règles, mais à qui sont-elles destinées si ce n’est d’abord à soi-même pour ne pas risquer la critique et ensuite aux autres qui transgressent ces principes fondateurs de notre comportement. Ce positionnement en victime qui a subi et ne veux plus subir interfère fortement dans la place que nous choisissons de prendre dans la relation.

Comment voir le respect dans les yeux de l’autre quand nous-mêmes sommes extrêmement critique sur nous-mêmes, nous infligeant des jugements sans concession, placardés aux frontons de nos croyances. Quand notre comportement met en avant notre propre dévalorisation, les retours que nous en avons s’appuient sur celle-ci, et justifie nos propres doutes et projections. Nous n’avons pas besoin de signes d’humiliation puisque nous allons les chercher pour conforter nos croyances. Quand parfois, l’humiliation s’installe réellement, les émotions de douleurs se mêlent curieusement au sentiment d’être aimé parce que reconnu dans l’image que nous avons de nous-mêmes.

Etre bienveillant avec soi-même, s’aimer et s’accepter tel que nous sommes, mêmes si nous avons tel ou tel défaut, est un pas vers le respect que nous avons le droit de nous accorder. Se respecter permet d’agir avec confiance et de récolter ce que nous semons. La relation aux autres se pacifiant, les retours positifs génèrent des émotions de satisfactions qui amplifient encore plus ce respect soi.

Et pour le besoin d’être en confiance, que traduit-il ?

La confiance, la méfiance, la trahison, des termes forts pour caractériser notre relation à l’autre mais qui est vraiment l’autre. Comment se manifeste-t-il et d’où vient-il ?

Comme les autres blessures, celle-ci fait partie du ressenti émotionnel de l’enfant et de ce qu’il a intégré en réponse à ses peurs. Pour l’enfant, avoir confiance en ses parents, c’est cultiver un sentiment de sécurité en se sentant protégé, exister et pouvant vivre, y être autorisé.
Si cette sécurité est mise en défaut, à l’échelle émotionnelle de l’enfant, alors s’active la blessure d’abandon et toutes les croyances qui arrivent en lot pour entretenir ce sentiment. Quand la trahison est réelle, nous entrons dans un schéma plus complexe à évacuer.

Demander plus de signes de reconnaissance, d’attentions, de présences pour ne pas être seul, ne pas devoir être autonome et donc se rassurer par la dépendance à l’autre, dans la fusion, dans la négation de qui nous sommes en devenant la prolongation de l’autre.
La confiance que nous voulons trouver en l’autre, témoigne de notre propre méfiance vis-à-vis de nous-mêmes, sentiment induit de notre image qui avait provoqué jadis, cet abandon ressenti. Quand l’enfant se sent trahi, il remet en cause sa capacité et sa nécessité à être puisque sa sécurité n’était pas vitale aux yeux de ses figures tutélaires.

Il va alors se forger une carapace pour se rendre autonome et dépendant de personne pour lutter contre cette peur d’abandon et ne pas la ressentir à nouveau. Il va également chercher à combler ce sentiment inaccompli de sécurité dans la relation à l’autre basée sur la confiance. Ce paradoxe de se sentir fort et puissant dans l’action et se sentir dépendant dans la relation active des émotions contradictoires qui le parasitent.

Des malentendus, des non-dits, des conflits dans ses relations seront des sources d’inquiétudes, inquiétudes qu’il évitera en atténuant toutes les sources possibles de désaccord. Si malgré cela, une tension apparaît, l’impression d’avoir failli, d’avoir froissé l’autre, une émotion forte jaillira sur laquelle il lui faudra travailler pour la dissoudre. Cette maîtrise ne peut se matérialiser en colère, sentiment qui pour lui est inacceptable car source de mésentente. Il lui faut faire bonne figure en public et ruminer sa peur dans l’ombre tapie de ses doutes et de ses émotions.

Ces relations basées sur la peur de les perdre vont donc adapter le comportement pour tenir un rôle acceptable et compatible, rôle qui ne pourra qu’atténuer ce risque d’abandon supposé. Le contrôle des émotions pour ne pas froisser l’autre est une énergie retournée contre soi, épuisante et qui stimule la peur d’abandon, entraînant l’engrenage de cette blessure.

Il s’agit d’évacuer ce sentiment d’abandon enfoui d’une histoire lointaine et calé sur des échelles d’intensité sans rapport avec celles d’aujourd’hui. Quand naît la confiance dans sa valeur pour être Soi avec les autres et se sentir accepté pour Soi alors ce n’est plus la demande égotique qui se manifeste comme auparavant et la confiance s’installe. Cette blessure d’abandon se dissout au profit de relations naturelles de partages authentiques.

Quand nous transcendons l’énergie négative de ces blessures, de ces besoins, il est alors possible de verbaliser ses sensations sans jugement, sans comparaison et avec la sérénité de transmettre dans l’accueil de l’autre, pour l’autre mais d’abord pour soi. Il est alors possible de pouvoir dire, entendre et écouter en se sentant pleinement centrés sur l’ici et maintenant et avec l’autre. Vivre la relation telle qu’elle est et non telle que nous voulions qu’elle soit nous permet de la ressentir avec l’intensité de nos émotions principales et non avec des émotions réactionnelles issues de nos croyances enfouies.

©2012 – Michel Schauving (03/04/2012)